Je me souviens d’avoir été invité dans l’Hôtel d’Alméras par l’entremise d’un compagnon de voyage dont je fis la connaissance sur un vol long courrier au départ de Rio de Janeiro. Je rentrai cette année en France après une longue d’absence. Quoique habitué depuis mon installation au Brésil à revenir avec régularité visiter ma famille restée à Paris, le temps sembla à cette époque être passé à une vitesse vertigineuse sans que je le comprenne ou que j’ accepte en pleine conscience de le noter. Réalisant que je ne recevais plus aucune nouvelle de personne depuis longtemps, je finis par sentir l’urgence de renouer les liens auxquels on se cramponne lorsque, fut-ce délibéré ou non, on se condamne à l’exil. Je parle bien sûr des sentiments indéfectibles que l’on garde ou que la nécessité nous pousse à entretenir pour ceux qui nous sont d’autant plus chers qu’ils sont loin de nous; mais aussi de ce viscéral orgueil dont on témoigne , pour des motivations moins évidentes, quand on tient malgré tout à sa langue, à sa culture, à cet aplomb tout particulier de voir ou de passer sur les choses, à l’histoire qu’on a vécu et qu’on voudrait en partie oublier. C’est le paradoxe du vrai voyageur de regarder droit devant lui, de sentir cette irrésistible envie d’aller loin , de ronger ses liens et son frein, d’à peine tenir en place, comme si la Terre qu’il trouve sur l’instant si peu légère fût l’alibi parfait pour justifier sa fuite en avant. Mais aussi, tandis qu’il sacrifie à cet élan incompressible, de ne jamais oublier d’où il vient. Il est peut être quelque part encore vrai qu’un effet n’existe qu’en fonction de sa cause qui elle même ne serait rien sans sa projection. Le nomade n’échappe pas à cette règle absolu. Il vit aussi éperdument ses départs que ses arrivée, souvent en fait un même et unique lieu…