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Un bref instant de solitude


Que comprendre à la solitude ? Et comment mieux saisir le temps qui passe, qui n´est pas ou plus, qui pourra même pour certain ne jamais avoir été, et, on l´affirme, va toujours trop vite ou loin, creusant une telle distance entre lui et nous que nous peinons à le suivre, souffrant d´autant plus de cet écart que nous sommes alors encombrés de regrets, de la faiblesse de croire qu’on reviendra, un instant peut être, sur le passé meurtrissure ?

La plus grande des solitudes entretient elle une relation privilégiée avec le temps qui n’est plus et celui promis à disparaître ?

Certains disent que cette solitude creuse l’espace pour y maintenir, artificielles, les distances que nous y réinventons sans cesse. Ainsi déciderait-on d´habiter loin en emménageant dans l´appartement ou sur le palier mitoyen ; ainsi dort on d´un seul côté du lit, séparé par un abyme de celui ou celle qui un jour fut un compagnon de voyage mais qui la nuit est désormais un parfait intrus.

Ce postulat semble fragile quand pour le plus grand nombre l’éloignement conforte les liens que la proximité routinière relâche. Noués par l´habitude, ces fils se tendent alors paradoxalement toujours plus, parfois au péril imminent de se rompre. Dans les rapports humains, et jusque dans leur absence, les lois de la physique imposent ainsi leur dictature. Et nous voici à maugréer sur une simple histoire de forces et de contraintes, une loi de l´élasticité qui détermine que la déformation d´un corps est proportionnelle à la contrainte appliquée.

La distance s´étire à l´infini, ne commet aucune limite sinon celles qu´on lui invente et ne préviens ni ne favorise l´oubli, moins encore l´absence. Elle s´installe, elle s´étend, elle se creuse. Mais sublime tout ce que semble lui recommander la disparition des uns ou des autres, s´alimente de cette peine supposée inacceptable, s´en fortifie, et, quand bien même semblerait elle être insondable, finit toutefois par se résorber d’elle même au terme d´un processus d´extension encore mal expliqué. L´éloignement prend alors le pas sur l´absence, et loin de nous convaincre que tout est fini, nous charme d´une évidence contraire : on vit parfois un peu plus en étant loin de soi ou des siens qu´en vivant collés à eux. Une mutation aussi surprenante et dramatique de la proximité lointaine que le devenir de la chrysalide au rythme de sa nymphose.

Mais que dire alors de notre bonne vieille solitude ? Nous la tournons en bouche et en gardons toujours un goût amer ? Comme nous avons tort !

N´est elle pas le symptôme d´un acharnement plus que d´une distance excessive . À ne plus savoir vivre l´instant présent avec l´intensité qu’on lui doit, à se projeter plus volontiers dans le passé ou l´avenir, quelque soient les bonnes raisons qu’on ne manque jamais d´invoquer , on oublie en effet l´essentiel. Il faudrait réapprendre à respirer quand nous tout nous ordonne de vivre en apnée de soi. Tout peut être dit dans le plus petit instant en suspens. Il y existe, comme dans la moindre fraction infinitésimales de temps, une éternité suffisante pour y déceler l´infinie justesse et le non sens de la vie. Pour aussi s´y retrouver, s´y contempler , s´y reconnaître ou s´y jauger avec curiosité. N´y descellerait on aucune explication satisfaisante que cette parcelle d´infini serait toutefois suffisante pour se retrouver et considérer la vie au contact des autres sans nécessairement pour cela s´ignorer.

Il faut donner un peu de temps aux autres mais s´en préserver une part exclusive. Car s’il est possible, quoique peu recommandable, de vivre loin de tous, il est tout aussi possible de mourir à petits feux grignoté de l´intérieur pour lequel on n’a plus aucune intimité. La voici sans doute la seule vraie et franche solitude : quand on a plus rien à se dire ou à s´écrire, pas même une dernière lettre de condoléances.

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alias xaba

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